Résumé
1922 segments de 10 secondes de mesures sonores ont été enregistrés dans une zone de 4 km² comprise entre le trait de côte et l’isobathe 50 m à la pointe de la Revelatta (Calvi, Corse). Nous caractérisons le paysage acoustique de cette zone complexe qui présente 4 habitats (roche, herbier, sable et coralligène) entrelacés. Le SPL calculé sur la bande biophonique [2 kHz, 40 kHz] est maximum sur la frange rocheuse et décroît vers le large en suivant la régression SPL (Sound pressure Level, dB re. 1μPa) = 147 – 14log10(r) où r est la distance à la côte. Ce modèle de régression s’appuyant sur des considérations énergétiques uniquement laisse penser que les émissions sonores de la roche sont fortes et qu’elles se propagent vers les autres habitats dont les biophonies ne seraient que des captations de celle de la roche. Pour évaluer la validité de cette hypothèse, nous avons étudié la diversité des formes spectrales mesurées. Pour cela, nous avons calculé une analyse en composantes principales (ACP) des 2 millions de spectres collectés. Les deux premières valeurs propres de l’ACP résument plus de 50 % de la variabilité totale des spectres et 80 % de la variabilité de la forme des impulsions. Les scores 1 et 2 de l’ACP forment un nuage continu que nous avons segmenté en 4 familles en fonction du quadrant du plan {score 1, score 2} auquel ils appartiennent. Ces 4 familles définissent 3 signatures spectrales de la biophonie du site étudié (les signatures des quadrants 1 et 2 étant proches) : des impulsions présentant un maximum marqué vers 3 et 4 kHz, des impulsions présentant une bosse entre 5 et 12 kHz, des impulsions présentant un maximum haute fréquence au-delà de 20 kHz. Les 4 proportions des impulsions générées par un habitat dans les quatre quadrants du plan {score 1, score 2} de l’ACP sont proposées comme descripteur de la diversité des formes spectrales de la biophonie d’un habitat. À partir de ce quadruplet de descripteurs, nous avons pu affiner la description du paysage acoustique, bâti initialement sur des considérations énergétiques. Les signatures spectrales des 4 habitats sont constituées des mêmes quatre ingrédients mais dans des proportions différentes. Le coralligène possède une biophonie spécifique différente des autres habitats et cette biophonie est créée par des impulsions hautes fréquences émises au sein du coralligène. La roche présente une production sonore forte avec une grande proportion d’impulsions basses fréquences autour de 3 à 4 KHz. L’herbier et le sable ne produisent pas ou peu d’impulsions, l’herbier écoute la production sonore de la roche alors que le sable écoute celles de la roche et du coralligène.